" LE RED STAR, mémoire d'un club légendaire"
(Les bonnes feuilles, 6ème partie)
LE STADE DE PARIS
Red Star - Fives Lille 3-2 en septembre 1937, au Stade de Paris
"En 1920, le Daring de Bruxelles rend visite au Red Star. Son président l'accompagne à Saint-Ouen. Le Red Star surprend, et par la qualité de son jeu, et par la médiocrité de ses installations. Que signifie ce stade perdu au milieu des jardins potagers, et ces vestiaires, masures sans eau et sans électricité ? Est-ce digne d'une des meilleures équipes de France ? En Belgique, un club de troisième division n'en voudrait pas. Et le président du Daring ne peut cacher son étonnement attristé.
Les dirigeants du Red Star sont piqués au vif. Ils en conviennent, leur club est mal logé et trop à l'étroit, le Red Star n'occupant qu'un tiers de la superficie actuelle, les deux autres tiers ayant été envahis par les jardinets et les cabanons. Et si le Red Star n'était que mal logé ! Mais encore il est logé sans titre et peut être chassé d'un jour à l'autre.
Les membres de son comité constituent une association en participation au capital de 5 000 francs et engagent un procès contre le nu-propriétaire et l'usufruitière. Le Red Star sort victorieux de cette procédure avec en poche un bail de neuf ans pour la totalité du terrain.
Il ne reste plus qu'à commencer les travaux. Oui, mais avec quel argent ? Les entrepreneurs consentent des crédits et Publicitas offre de construire gratuitement la clôture. Néanmoins, il faut un capital de 300 000 francs.
Sous l'impulsion de Lucien Gamblin, qui vient d'entrer comme chef comptable aux Trois-Quartiers, la Société de construction et d'installation sportive, une société anonyme dont le capital est divisé en trois mille actions de 100 francs, elles-mêmes réparties entre cent quatre-vingt trois actionnaires, voit le jour.
On creuse un fossé de 3 mètres tout autour de la pelouse afin de protéger les arbitres les jours de colère. par la suite, cette fosse sera comblée et remplacée par une piste de course à pied. On bâtit deux tribunes.
Mais ce n'est pas fini. Cent un locataires continuent, défendus par les lois de l'après-guerre, à cultiver leurs jardins. Il fallut encore un an avant de traiter avec eux.
Ce stade de Saint-Ouen nouvelle manière est appelé le Stade de Paris. Il peut contenir de 15 à 20 000 spectateurs.
Il est inauguré le 22 octobre 1922. Dans sa tribune d'honneur, Henry Paté, haut-commissaire à l'éducation physique, Jean de Castelanne, conseiller municipal de l'Ecole militaire et président d'honneur du Red Star, et, très ému, Jules Rimet, président de la Fédération Française de Football Association - 53000 licenciés, 2518 sociétés, 20 ligues régionales et une subvention de 831 382 francs - et, depuis 1919, de la Fédération internationale de Football Association.
Sur la pelouse, 80 jeunes filles du Fémina Sport, élèves d'Irène Popard, exécutent de gracieuses danses très appréciées du public à la mi-temps d'un match Red Star - Racing Club de France.
La direction de ce Stade de Paris est confiée à Pierre Curien. Nous lui devons les détails que vous venez de lire. Nous l'en remercions chaleureusement et nous tenons à rappeler qu'il demeura à ce poste pendant plus de vingt ans avec une conscience et une compétence exemplaires.
Ce Stade de Paris 1922 ne ressemble pas au Stade de Paris d'aujourd'hui puisqu'en 1947 la municipalité de Saint-Ouen l'a beaucoup amélioré en lui procurant les derniers conforts et en le dotant d'une haute tribune qui rappelle l'aspect si particulier du stade d'Arsenal dans les faubourgs de Londres.
Il est difficile de dire que le site de ce premier stade de Paris ait été champêtre. La forêt vierge des jardinets avait cédé la place à des usines. Et pourtant, il avait du charme, ce stade. Tous ses vieux fidèles l'affirment. Dès que ses gradins étaient un peu remplis, on ne voyait plus les cheminées, leurs fumées, les briques lugubres des hangars, le labyrinthe des voies ferrées.
On était pris par la ferveur Red Star."
Stade de Paris avec les usines, dans les années 30
( à suivre )
LE RED STAR,
mémoire d'un club légendaire
de Guillaume Hanoteau, avec la collaboration de Gilles Cutulic
© Robert Laffont - Editions Seghers
Dépôt légal : 1983