" LE RED STAR, mémoire d'un club légendaire"
(Les bonnes feuilles, 8ème partie)
LE PUCISTE AUGUSTIN CHANTREL
Le Red Star 1928, vainqueur de la Coupe de France avec Chantrel
Accroupis : Chantrel, Brouzes, P. Nicolas, Martin, Lebreton
debout : Baron, Farmer (entraîneur), Wartel, Domergue, Espanet, Diaz, Lund
"Le Red Star peut aller en Angleterre, en Autriche, en Egypte, y rencontrer Swansea, l'Admira de Vienne, l'Arsenal du Caire, recevoir au Stade de Paris la Slavia de Prague, le FC Bâle, Irun, cela ne suffit plus. Il lui faut redevenir ce qu'il a été hier en Coupe sous peine de voir s'effilocher sa renommée européenne. Delblat le comprend. Le passé est dangereux lorsqu'il n'est plus qu'un gargarisme. Que reste-t-il du grand Red Star ? Des souvenirs rebâchés et deux hommes, Nicolas et Cordon. Il est nécessaire de reconstruire autour d'eux un nouveau Red Star.
Le directeur sportif se met en campagne. Il consulte l'homme le plus capable de le conseiller, le président Jules Rimet. Lui-même a un fils, brillant joueur de football. Jean Rimet a signalé à son père la remarquable équipe juniors de son club, le Paris Universitaire Club.
Le PUC, qui recrutait ses scolaires surtout sur la rive gauche, à Louis-le-Grand, à Henri IV, à Sainte-Barbe, avait l'habitude chaque année d'envoyer en Angleterre ses meilleurs minimes pour y affronter une sélection du comté de Kent.
Vous pouvez imaginer ce que représentait ce voyage pour des potaches de quinze ans qui, sous les couleurs blanc et mauve du PUC, devenaient presque des internationaux.
Un de ces minimes portait un nom célèbre. Jean de Moro-Giafferi était en effet un fils de Vincent de Moro-Giafferi, l'avocat de Landru. Ce grand orateur avait été horrifié lorsque son fils lui avait appris qu'il jouait au football … sous la pluie. Il croyait que l'on arrêtait les matchs en cas d'ondée. Cette naïveté, signe d'une époque, n'empêcha pas Moro d'être, un peu plus tard, sous secrétaire d'Etat à l'Education et aux Sports.
Ces minimes sont devenus le onze juniors du PUC et, en fait, l'équipe n°1 de ce club. Troupe turbulente car le PUC, dont le siège est dans un vieil hôtel de la rue de la Bûcherie vaste, sale et sonore, et le stade à la Porté Dorée, a gardé les traditions estudiantines du Quartier Latin, traditions faîtes de rigolades, de blagues énormes et de tapages de préférences nocturnes.
Les Pucistes sont moins redoutés sur les terrains que dans les trains où ils peuvent terroriser des rapides entiers par leurs actes - "c'est le PUC, le PUC, le PUC qui fait marcher la machine …" - leurs farces le plus souvent scatologiques et des Pères Dupanloup, chanson égrillarde destinée à effaroucher les oreilles chastes.
Le bras d'honneur n'a pas encore été importé d'Afrique du Nord, mais l'apparition derrière une vitre de deux fesses nues est un gag dont les blanc et mauve ne se lassent jamais.
Pour ma part, j'ai vu de mes yeux une jeune fille enlevée dans un tramway à Bry-sur-Marne et retenue captive jusqu'à la Porte de Vincennes, sans d'ailleurs que les Pucistes aient obtenu autre chose comme marques de tendresse que des gifles et des griffes.
Les juniors convoités par le Red Star ont pour noms : Ibos, de Britto dit Chocolat, Janin, Chantrel ou Tintin Turpaud, fils du député de Châtellerault, Lafarge, Fourcade.
D'eux tous, et de loin, Augustin Chantrel est le plus prestigieux. Il est beau, il est brun, il a le cheveu collé à la "gomina" selon la mode du jour, ce qui lui donne cet air argentin qui plaît aux femmes des Années folles, des dancings et du Bœuf sur le Toit.
Il est doué pour tous les sports. Beaucoup plus tard, il jouera un match de rugby, au stade Jean Bouin, en équipe première du CASG comme arrière, un poste que l'on ne confie pas d'ordinaire à un débutant, et ma foi il s'en tirera fort bien.
J'ai connu Chantrel sur un petit stade, à Bry-sur-Marne, où nous disputions l'un et l'autre le Challenge du Nombre, une compétition d'athlétisme entre lycées et collèges. Ebloui, je le vis gagner le 1000 mètres".
(à suivre)
LE RED STAR,
mémoire d'un club légendaire
de Guillaume Hanoteau, avec la collaboration de Gilles Cutulic
© Robert Laffont - Editions Seghers
Dépôt légal : 1983