MEMOIRE D'UN CLUB LEGENDAIRE  RED STAR FC 93

" LE RED STAR, mémoire d'un club légendaire"
(Les bonnes feuilles, 11ème partie)

Gilbert Zenatti, archevêque ou maquignon ?

Gilbert Zenatti
Gilbert Zenatti reçoit une médaille d'un dirigeant, qui a déjà décoré
le maire de Saint-Ouen Fernand Lefort, au premier plan. © Gilles Saillant

Mais revenons au Red Star.
Après avoir failli renoncer au statut professionnel, il est réintégré au début de la saison 1952-1953 dans le Championnat de seconde division. Il remplace Amiens et Le Mans qui ont abandonné.
Du même coup, il retrouve son cher Stade de Paris. Durant son absence et son exil au Parc des Princes, la municipalité de Saint-Ouen l’a loué au CAP, sans terrain et toujours errant, au jeu à XIII et à des courses de motos sur cendrée.
Cette résurrection, in extremis, du Red Star est le fait d’un homme et d’un seul homme, Gilbert Zenatti. Ce pied-noir d’Algérie possède une importante affaire de tissus rue du Caire et des usines dans le Nord. Ancien joueur du Galia d’Alger, il est fou de football et c’est cette folie qui l’a conduit au Red Star.
Oh ! Gilbert Zenatti ne ressemble en rien à un Jules Rimet. Il est me^me son contraire. On parle beaucoup, derrière son dos, de son passé en Afrique du Nord. Ce sont peut-être des calomnies. Une seule chose est certaine, en plus de ses entreprises de textiles, il gère à Paris, et n’en a pas honte, plusieurs cercles de jeu.
Que voulez-vous, nous ne sommes plus au temps des patronages. Pour acheter et pour vendre des joueurs de football, pour les mener alors que trop souvent les caisses sont à sec et pour exiger d’eux qu’ils se défoncent la balle au pied, que faut-il ? des délicatesses d’archevêque ? Je ne le crois pas et je pencherai plutôt pour les solides qualités des maquignons. Or, ces qualités, Zenatti les a.
Au cours d’une crise - à l’époque le Red Star en traversa de nombreuses - un joueur, qui n’a pas été payé depuis plusieurs semaines, demande-t-il un rendez-vous ? Zenatti le lui accorde et vient vêtu de son ample imperméable. De sa poche droite, il sort une énorme liasse de billets et la jette sur la table.
- Tu vois, petit, ça c’est l’argent avec lequel je vais payer les dettes du Red Star !
De sa poche gauche, il tire une liasse beaucoup moins volumineuse.
- Ce qui me reste pour vivre !
Le ton est presque tragique. Un temps. Le bon cœur l’emporte sur l’angoisse.
- Mais, petit, si tu as un problème dis-le-moi … Je suis prêt à partager … pour te dépanner … Tu auras besoin de combien ?
Zenatti oublie qu’il est le débiteur défaillant. Il ne veut être que l’âme compatissante volant au secours des copains en détresse. Et le plus fort est qu’il réussit à convaincre. Le créancier à son tour oublie ses droits et accepte avec reconnaissance une aide qui ne représente pas la vingtième partie de la somme qui est due.
Tel est Gilbert Zenatti, le dirigeant qui convient à un football où les joueurs sont encore traités en esclaves, où les clubs peuvent les céder sans même les consulter, comme de vulgaires marchandises. Zenatti se plie aux règles féroces du milieu, mais en y mettant des formes rondes qui plaisent.
Il paie de sa personne. Il ne prend jamais de vacances. Il vient chaque jour soit à Saint-Ouen , soit au siège social 14, place de Clichy. Il paie aussi de sa poche. Et, sans faire de folie, le Red Star lui coûte néanmoins cher.
Dame ! Le sort du club est un peu soumis aux fluctuations du hasard. Le baccara est-il florissant ? Zenatti achète le Suèdois Melberg, l’international Quenolle, Amalfi et Lamy du Racing. Le baccara est-il en perte ? Il cherche à revendre Melberg, Quenolle, Amalfi, Lamy.

(à suivre )

LE RED STAR,
mémoire d'un club légendaire
de Guillaume Hanoteau, avec la collaboration de Gilles Cutulic
© Robert Laffont - Editions Seghers
Dépôt légal : 1983

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