MEMOIRE D'UN CLUB LEGENDAIRE  RED STAR FC 93

" LE RED STAR, mémoire d'un club légendaire"
(Les bonnes feuilles, 12ème partie)

LA GUERRE DES CLANS

Red Star 1974-75
Le Red Star FC , version 1974-1975

Et le football continue à Saint-Ouen, avec ses hauts et ses bas. Les fidèles sont là. Hélas, ils assistent bientôt à la descente de leur club tant aimé en seconde division. L’accident sportif est de taille. Mais il est lui-même aggravé par un événement d’ordre administratif beaucoup plus lourd de conséquence. Gilbert Zenatti et Jean Doumeng se retirent. L’homme qui prend en charge les destinés du club est le premier adjoint du maire de Saint-Ouen. Il se nomme Paul Sanchez.
Les supporters découvrent donc ce petit homme aux cheveux poivre et sel, rond, jovial, beau parleur, très armé pour les luttes politiques et attendant semble-t-il beaucoup d’elles. Après une saison sous sa présidence, le Red Star remonte en première division grâce à un recrutement judicieux mais hélas fort coûteux. Le Red Star attaque donc la saison 1974-1975 en division 1. Mais quelle la situation exacte ? On a acheté notamment la saison précédente le fameux populaire Nestor Combin. On a fait venir la star vieillissante Magnusson et revenir Jean-Claude Bras qui, en 1969 et 1970, a réussi d’éblouissants débuts en équipe de France et qui, de l’US Valenciennes, est passé à Liège puis au Paris Football Club.
Mais le recrutement ne s’arrête pas là et le verbe « acheter » que je viens d’employer est d’ailleurs impropre, car à la faveur des efforts de l’Union nationale des footballeurs professionnels (dont Jean-Claude Bras est le secrétaire général) les contrats léonins ont été abolis et remplacés par d’autres, à temps ceux-là, qui laissent le joueurs de football enfin maître de son destin.
Recrutement coûtait disais-je ! Oui, d’une certaine manière Paul Sanchez, qui, en tant que permanent du Parti communiste français, reçoit un très modeste salaire, jongle soudainement avec les millions attachés au sort des footballeurs « pro ». Rien n’est trop beau pour le Red Star et il arrive que le président, soudainement confronté à un monde d’argent qu’il combattait mais dont il ne soupçonnait pas l’importance, perde parfois toute mesure. Il est bien sûr d’une honnêteté personnelle scrupuleuse, mais il va être victime d’une distorsion soudain entre son activité de militant, la modestie financière de son existence et son nouveau rôle. Presque mécaniquement il risque l’erreur par incompétence. Il déclenche en tout cas une politique de salaires totalement inflationniste. Et puis, disons-le, il n’est pas facile de diriger une équipe de joueurs « pro » évoluant au plus haut niveau du championnat. Paul Sanchez était-il vraiment préparé pour cette tâche ? Rapidement en tout cas il doit faire face à des problèmes sportifs très graves. Dans l’équipe - les mauvais résultats y sont pour quelque chose - des clans se forment. Les Sud-Américains sont divisés. D’un côté on trouve les joueurs paraguayens (Gonzales - Monin) et les Argentins (Farias, Jarra, Combin). Les « anciens »du club (Ducuing, Garrigues, Laudu, Besnard) ont tendance à se regrouper. Une amitié intellectuelle unit Jean-Claude Bras et André Mérelle. Enfin les nouveaux, Fouché, Fuentes, Houen, Bourgeois, Magnusson, se cherchent un peu. Il faudrait un entraîneur de fer pour rassembler et unir toute cette mosaïque de joueurs. José Farias, trop gentil certainement, se laisse influencer. Il écoute énormément son capitaine Guy Garrigues et ses compatriotes. En revanche, il s’oppose très souvent à Carlos Monin. Bien sûr il n’y a là rien d’exceptionnel et chaque équipe « pro » connaît plus ou moins ce genre de clivages. Mais au Red Star les faits, rapidement, deviennent lourds de conséquences.
Un jour Guy Garrigues demande rendez-vous à Paul Sanchez. Il lui révèle l’existence de ces clans et se plaint amèrement du manque de préparation physique lors des entraînements. Le président convoque immédiatement une réunion d’explication. Déjà par la bande, le procès Farias est engagé. Cette soirée à l’Ile des Vannes est pénible. Avant la réunion Jean-Claude Bras, pourtant circonspect sur les méthodes d’entraînement de José Farias, le prévient qu’il court un grand danger à accepter le principe même d’une telle réunion. Paul Sanchez, en fin politique, tente tout au long de l’entrevue de se retrancher derrière les joueurs qui apparaissent ainsi, au grand désarroi de Farias, comme les principaux accusateurs. La sentence tombe : José Farias doit assurer une préparation physique plus intense. D’une certaine manière il vient de perdre l’essentiel de son autorité morale.
Quelques jours plus tard il perd son poste.

(Fin)

LE RED STAR,
mémoire d'un club légendaire
de Guillaume Hanoteau, avec la collaboration de Gilles Cutulic
© Robert Laffont - Editions Seghers
Dépôt légal : 1983

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