LE MALAISE DES BANLIEUES 3  RED STAR 93

LE MALAISE DES BANLIEUES (suite et fin)

JAMEL SANDJAK : "NOISY FAIT AVEC TRES PEU CE QUE LES AUTRES N'ARRIVENT PAS A FAIRE AVEC BEAUCOUP"

Le stade de la porte de Clignancourt aura néanmoins subi assez de travaux pour accueillir de nouveau le Red Star la saison prochaine. Peut-être en National, car la remontée de Vincent Guérin et de ses coéquipiers reste d'actualité. La moindres des choses, il est vrai avec un budget de "milliardaire" pour le CFA, 14 MF, dont les deux tiers, certes consacrés au"centre de formation", lequel, pour un club amateur, n'a pourtant pas d'existence légale.
Ainsi, sachant aussi que Noisy retournera dans ses meubles dès le début 2002, les dix mille sièges de Marville auront été installés pour rien …
Car s'il est évident que l'Ile-de-France manque d'abord de vrais stades de football et de spectateurs pour les remplir, il vit en revanche avec des moyens financiers sensiblement supérieurs à ses adversaires de province. Nouveau président du Paris FC, qui a quitté l'élite en 1979, Noël Le Graet trouve "aberrante" la situation sportive des clubs parisiens "avec les budgets dont ils disposent".
L'Olympique Noisy-le-Sec Banlieue 93 est l'exception qui confirme la règle "Depuis dix ans que nous sommes à ce niveau, après onze montées en quinze ans, Noisy fonctionne avec le plus petit budget de National, actuellement 4 MF", précise Jamel Sandjak, le patron du club qui a lancé Dagui Bakari. "Ici, les salaires oscillent entre 2 000 et 10 000 francs maximum. Nous sommes une Ferrari avec un moteur de 2 CV, alors qu'à Paris c'est souvent l'inverse. Noisy fait avec très peu ce que les autres n'arrivent pas à faire avec beaucoup".
Longtemps, les Noiséens ont traîné derrière eux une réputation d'intimidateurs. "En fait, même si les mentalités évoluent doucement, on dérange, et le club a souvent été frappé d'ostracisme, répond Jamel Sandjak. Le conseil général a été attentif à notre cas. Il a augmenté notre subvention de 800 000 francs (2,3 MF au total), mais on n'a eu l'autorisation de jouer à Marville que trois jours avant le début du Championnat, alors que nous sommes le club leader de Seine-Saint-Denis. Le Red Star a droit aux terrains d'entraînement de La Courneuve, pas nous. Nous, on s'entraîne à Noisy, sur un stabilisé. Mais notre club va de l'avant. Le conseiller technique de Jean-Paul Huchon (le président de la Région Ile-de-France) nous a rejoint. Un bon partenaire financier, la SNET, nous soutient. L'Olympique est à un tournant de son existence. Mes frères et moi sommes arrivés de toute façon au bout de ce que nous pouvions faire seuls …".
Cela n'empêche pas Jamel Sandjak de montrer du doigt un sport qui selon lui, marche sur la tête : "Le foot français se gargarise de ses centres de formation, qui produisent de très grands joueurs. C'est vrai, mais il est tout aussi vrai qu'ils fabriquent surtout des chômeurs par centaines. J'aimerai ouvrir un autre genre de centre de formation à Noisy, qui donnerait aux jeunes un autre métier que le foot ou un diplôme qualifiant. Mais il faut des soutiens, des moyens …".
Dans le programme du match contre Calais, le dirigeant de la banlieue prenait pour exemple une star de la banlieue ouest : "Avec quatre salaires mensuels d'Anelka, on pourrait faire vivre l'Olympique pendant un an, y compris ses vingt équipes de jeunes, écrivait-il (…). Anelka ne joue pas. Son entraîneur n'en veut plus. Ce pognon ne rétribue même pas un talent exceptionnel. Il paie de la mousse, des bulles, du vide, une créature médiatique entièrement artificielle".
Artificiel, c'est aussi le qualificatif qui s'impose au rappel de tous ceux qui ont voulu voir très grand, très vite, avant de déchanter encore plus rapidement : le Paris FC a essayé le stade Charléty, mais lassé de contempler des tribunes vides, est revenu dans l'intimité de son (très) petit stade de la porte de Montreuil ; quant à Evry, retombé en DH, il est mort d'indifférence en National à l'été 2000, dans l'immense et glacial stade de Bondoufle (Essonne), perdu au milieu d'un nœud d'autoroutes de la grande banlieue sud …

LE TROISIEME CLUB PARISIEN EST UN SDF …

Pour trouver un peu de chaleur, il est conseillé de "monter" à Sannois-Saint-Gratien, aujourd'hui meilleur club francilien de CFA, probablement parce que ce coin du Val d'Oise est encore un "village" et qu'il y existe une identification locale. Jusqu'à la saison passée, Saint-Maur et ses Lusitanos rameutaient aussi plus de fidèles qu'ailleurs, pas uniquement d'origine portugaise. Mais la municipalité du Val-de-Marne, qui ne souhaitait pas supporter le coût de la transformation du stade Chéron, a contraint le club du président Armand Lopes à l'exil, pour l'heure au stade Dominique Duvauchelle de Créteil. Du moins quand le club local n'a pas de match le même jour. Sinon, les Lusitanos, qui viennent de signer un accord de partenariat avec Boavista, font la manche et se retrouvent à Bondoufle, comme le 8 décembre contre Pau, devant une centaine de courageux, alors qu'ils se comptaient quinze fois plus à Saint-Maur …
Quoique aujourd'hui troisième de fait dans la hiérarchie après le PSG et Créteil, les SDF du foot ont même épuisé sept terrains d'entraînement en cinq mois (Bonneuil-sur-Marne, Brie-Comte-Robert, La Queue-en-Brie, Le Tremblay, Pontault-Combault, Le Plessis-Trévise, Créteil …) avant de trouver un refuge fixe, à Champigny. Un bonheur : l'entraîneur Sylvain Matrisciano n'a enfin plus à rouler lui-même

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