GARRINCHA AU RED STAR !  RED STAR 93

GARRINCHA AU RED STAR !

En mars 1971, une rumeur circulait dans Saint-Ouen, Garrincha, le grand joueur Brésilien était en contact avec le Red Star, le journaliste Francis Le Goulven rencontrait Garrincha dans un hôtel de Madrid. Nous vous reproduisons l'article paru dans le numéro d'avril 1971 de Miroir du Football.

Garrincha

Manuel dos Santos mondialement connu sous le nom de Garrincha portera-t-il le maillot du Red Star, la saison prochaine , C'est possible. Des pourparlers sont en cour, nous a confirmé le président du Red Star, Gilbert Zenatti.
- Mais rien n'est signé. Il faut savoir quel est l'âge exact du Brésilien. Sa condition physique est-elle convenable ? Enfin, le salaire réclamé me paraît très élevé.
Cette conversation a eu lieu dans les vestiaires de Saint-Ouen, mais c'est à Madrid que nous avons pu converser avec le célèbre ailier droit, par l'intermédiaire de sa compagne, l'étoile de la chanson brésilienne Elsa Soares.
(Garrincha) - Je vais en France pour signer un contrat de six mois avec le Red Star. Je serais payé 5000 dollars par mois et, après deux mois, je percevrais 20 % sur la recette.
- Quel âge avez-vous ?
- 34 ans.
- Vous manquez de compétitions, sans doute ?
- Il y a un an que je n'ai pas disputé de match, mais je me suis entraîné constamment.

Les jambes de Garrincha ont toujours cette déformation qui lui facilitait ce dribble vers la ligne de touche qui fut de longues années imparable, notamment dans les campagnes de Suède (Lerond en sait quelque chose) et du Chili . "Mané" comme ses intimes l'appellent, aime parler de ce passé, de ces années de gloire qui ont fui. Au Brésil, Garrincha, l'ancienne idole de Botafogo, a connu pas mal de déboires. Sa situation de famille dans ce pays très catholique n'a rien arrangé. Il doit verser une pension alimentaire à sa première femme pour lui permettre d'élever les 7 enfants qui ont précédé les deux enfants de son deuxième mariage avec Elsa Soares.
Cette dernière, chanteuse dans les night-clubs, vient en France enregistrer un disque et, éventuellement, effectuer une carrière européenne, déjà amorcé en Espagne et en Angleterre. Belle, est aussi un excellent public-relation de Garrincha. Elle n'hésite pas à le comparer à Pelé.
- Pelé doit la plus grande partie de sa popularité à la propagande que lui a été faîte pour des choses extérieures au football. C'est un nom de légende, un mythe. Tandis que "Mané", au contraire, doit toute sa popularité au football et seulement au football. En Europe, vous avez une conception équivoque concernant Pelé. Vous croyez que c'est le meilleur joueur de tous les temps ? Ce n'est pas vrai. Le meilleur, et de loin, c'est Garrincha. Et si vous allez au Brésil, vous pourrez constater qu'aux yeux des Brésiliens, il n'y a aucun doute.
Garrincha, qui n'a pas prononcé une seule parole, se décide à continuer sur le même thème :
- L'unique chose que je puisse ajouter, c'est qu'à Sao Paulo, sur le territoire même de Pelé, les gens m'aiment plus. Il est possible qu'à leurs yeux, je sois plus artiste, plus spectaculaire que lui.
Garrincha a été 58 fois international, et il est fier de n'avoir connu qu'une seule fois la défaite, en 1956, contre la Hongrie. Par contre, il a de l'amertune quand il parle de Botafogo,le club ou il a passé la majeure partie de carrière.
- Botafogo ne s'est pas très bien conduit avec moi. Les dirigeants ont refusé mon transfert en prétextant que je faisais partie du patrimoine national. Ce n'était pas la vérité. Aux offres du Réal Madrid et de la Juventus qui proposaient 600000 dollars, le Botafogo a fait une contre-proposition : un million.
- Aujourd'hui, vous vous contentez de 5000 dollars par mois ? Il y a une différence certaine.
- Aujourd'hui, je n'ai plus 24 ans, mais 34 ans.
- 34 ans seulement ?
- Parole d'honneur. Et je pense jouer jusqu'à 36 ans. Ensuite, on verra.

L'avenir n'est pas rose pour Garrincha. Depuis quelques années, Elsa Soares a supporté l'essentiel des frais, bien que Garrincha reçoive chaque mois 8000 F pour prêter son nom à une marque de café.
- Combien de buts avez-vous marqué dans votre carrière ?
- J'ai marqué officiellemnt 680 buts, mais si l'on ajoute ceux que j'ai réussis en matchs amicaux, alors moi aussi j'ai dépassé les 1000 buts. On voit que Pelé réapparait à chaque tournant de la conversation.
- Que pensez-vous de la dernière Coupe du Monde ?
- Je l'ai suivie à la télévision et je pense que le Brésil a mérité sa victoire, mais dans l'échelle des valeurs, l'Angleterre et l'Allemagne précédaient l'Italie. Sur le plan des individualités, j'ai apprécié les Allemands : Beckenbauer et Libuda.
- Qui sera votre successeur ?
- Jairzinho est bon. Il peut être celui-là. Mais il n'y a plus de footballeur comme moi. Le football a beaucoup changé. Maintenant on donne plus d'importance à un jeu de force qu'à un jeu technique. Au lieu d'être un spectacle, le football se transforme en combat. Certains croient que celui qui court le plus vite va l'emporter, mais le meilleur restera toujours celui qui possède aussi la meilleure technique. De cette certitude provient le triomphe brésilien à Mexico.

De cette équipe qui fut deux fois championne du monde, Garrincha parle abondamment. Il maintient une correspondance suivie avec Didi (qui pourrait devenir entraîneur de Botafogo). Garrincha, le meilleur joueur de tous les temps, selon Elsa Soares, s'il revendique la victoire du Brésil en 1962 où Pelé se blessa dès les huitièmes de finale, ne veut pas affronter la dure réalité des ans. Il dit qu'il ne jouera plus jamais pour un club brésilien. Ce ne serait sans doute pas le cas si son dribble était demeuré aussi décisif, aussi irrésistible. Mais cette arme s'est enrayée au fil des années. On ne joue pas avec son passé.

Garrincha tout comme Eusebio ne signa jamais au Red Star.

légende de la photo
de gauche à droite : Elsa Soares, Garrincha et Francis Le Goulven

Archives      Retour à la page d'accueil