RACING CLUB DE PARIS - ADVERSAIRE DU RED STAR 93

UNE AUTRE EPOQUE : RACING - RED STAR EN 1941

Par G. Valck

Equipe 1941/42
Photo © Les Amis du Red Star

1er rang: Aston, Darui, Vandevelde, Thevenot
2ème rang: : Simonyi, Bersoulle, Meuris, Braun, Herrera, Roessler, Sefelin

Parc des Princes, 9 novembre 1941

Vous avez bien vu, nous sommes en 1941, la France est occupée par l'envahisseur nazi, les Français vivent une période très noire de leur histoire. Un championnat de France se déroule dans la zone occupée avec 9 clubs. Trois clubs parisiens y participent : Racing, CAP et Red Star. Ce dimanche, le Racing reçoit le Red Star dans un Parc des Princes ou près de 30000 personnes ont pris place dans les gradins.
Maintenant, nous laissons la "parole" à Gabriel Hanot, l'envoyé spécial du "Miroir des Sports" et futur instigateur de la Coupe d'Europe.

Malgré la décision malencontreuse du Commissariat et du Comité National des Sports, réduisant à 80 minute la durée des matches de football, il y avait foule, hier au Parc des Princes ; mais les spectateurs ne se firent pas faute de murmurer lorsque la mi-temps fut sifflée au bout de 40 minutes. Le prétexte invoqué pour la justification de la mesure est le régime des restrictions. Il ne nous convainc pas. Est-ce que l'Europe entière et peut-être le monde entier ne connaissent pas actuellement le même sort ? Or, c'est la France qui seule la prend, en oubliant que le football est un sport international, le parti de raccourcir le temps des matches. L'application en a été faîte pour la première fois hier : or, dès dimanche prochain, nos joueurs à 80 minutes rencontreront à Lyon les Suisses joueurs à 90 minutes. Et l'on jouera 90 minutes, naturellement. Dans six mois, dans un an, si la mesure n'est pas rapportée, les confrontations seront encore plus pénibles pour nos représentants qui se seront confortablement installés dans les 80 minutes. Dans le sport d'équipe qu'est le football, celui qui tient 80 minutes tient 90 minutes, surtout s'il a plus de vingt ans et si son entraînement est normal.
On ne fera croireà aucun des spectateurs du Parc des Princes que le Racing et le Red Star auraient mis en péril la santé de leurs équipiers si la partie avait duré 10 minutes de plus. La rencontre fut, en effet, très animée, très incertaine jusqu'au bout, et elle prit par moments cet aspect de match de Coupe qui plaît tant à la foule.
Le Racing, qui mena 1-0 (43è minute), puis 2-0 (58è minute), ensuite 2-1 (65è minute), 3-1 (76è minute), 3-2 (79è minute), traverse actuellement une période ascensionnelle remarquable. Il perdit ses deux premiers matches de championnat contre Reims (à Saint-Ouen) et le CAP (au Parc des Princes). Depuis lors, il a remporté 4 victoires de suite, à Amiens, au Havre et deux fois au Parc, sur Rennes et le Red Star.
Nul doute qu'il ne doive ses succès, d'une part, à sa défense, dont Jordan, Zabalo et, à un moindre degré, Grizetti sont les donjons ; de l'autre, à ses efforts persévérants et louables de constituer une ligne d'avants digne des formations arrière. Le passage de Dupuis dans la division d'attaque a été une première initiative et un premier succès, ce fut même l'impulsion profonde qui fit d'une équipe perdante une équipe gagnante. Dupuis, arrière international transplanté en avant, non seulement a accepté ce périlleux changement par esprit de club, par amour de la lutte et par enthousiasme pour le jeu d'attaque, mais encore il s'y comporte brillamment. Il joue et fait jouer ; il distribue et réalise; il alterne les actions personnelles avec l'organisation et la répartition des évolutions d'équipe. Il s'est imposé comme chef d'attaque à la fois en marquant des buts, en tenant tête à des demis centre redoutables comme Séfelin, et en obtenant le rendement maximum de partenaires moyens, pour ne pas dire médiocres.
Après un match de prise de contact à Amiens, Dupuis marqua 4 buts sur 5 au Havre, le seul but de la victoire sur Rennes et, hier les 3 buts du Racing contre le Red Star. Mais autour de Depuis, les avants du Racing commencent à fournir des efforts dignes de mention. L'ailier gauche Vaillat a plusieurs fois menacés très sérieusement le but de Darui ; il est vrai que son adversaire direct, l'arrière redstarien* Katz, se montra, en dépit de sa place, entièrement démuni de moyens de défense. Ozenne, exilé à l'aile droite, puis réintégré à l'intérieur en fin de match, semblant moins nonchalant, mieux entraîné, d'une passivité plus réduite. Des deux intérieurs, Dhondt, sans se mettre en valeur, joua néanmoins plus utilement que Nuevo.
Comment expliquer que l'avant centre du Red Star, Simonyi, n'ait réussi ni à marquer, ni même à déclencher vers le but adverse ces tirs rapides et puissants dont il a le secret ? Jordan était là, marqueur intraitable dans le jeu de position, habile à bien se placer dans le jeu de mouvement, et souverain dans le jeu de tête.
Aston lui-même, s'il lutta brillament en première mi-temps et s'il marqua le second but du Red Star, ne domina pas la situation comme huit jours auparavant dans Paris-Nord. C'est que Zabalo avait la responsabilité de le marquer, et le petit arrière tient actuellement la grande forme, si bien qu'Aston n'eut pas le champ libre et qu'il ne réussit pas à écarter Zabalo de son chemin.
Quoique Braun et Bersoullé (l'auteur du premier but redstarien) soient des intérieurs nettement supérieurs à ceux du Racing, le Red Star a été battu. La moins bonne ligne d'avants a vaincu la meilleure, en partie parce que Dupuis s'est débarassé de l'étreinte de Sefelin, en partie parce que Jordan et Zabalo ont tenu en respect les attaquants redstariens et surtout leurs chefs de file Simonyi et Aston. Le match fut enlevé, mouvementé, viril, d'un intérêt soutenu, sauf vers la fin de la première mi-temps. La qualité du football tira son niveau du jeu des vedettes. Mais pour que le Rcing et le Red Star tiennent un rôle important dans le championnat de France 1941-1942, il faut que le Racing perfectionne sa ligne d'avants et le Red Star sa ligne d'arrières.
Racing :Hiden, Bordier, Zabalo, Grizetti, Jordan, Vasquez, Ozenne, Dhondt, Dupuis, Nuevo, Vaillat.
Red Star :Darui, Kaltz, Herrera, Meuris, Sefelin, Roessler, Aston, Braun, Simonyi, Bersoullé, Thévenot.

* maintenant redstarien n'est plus employé, il a été remplacé par redstarman.
Pour mémoire le Red Star termina 3ème devançant le Racing.

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